LE DOMAINE DE LA PAGERIE
Ancienne habitation
Cette sucrerie du XVIIIème siècle, partiellement restaurée, abritait une vaste habitation de plus de 500 hectares, anciennement connue sous le nom de La Petite Guinée, puis de la Sannois.
On y a exploité jusqu’à trois cents esclaves, et encore 132 au début du XIXème siècle, pour la production de cacao, de coton, de café, d’indigo et de cannes à sucre. Un petit musée y a été inauguré en 1954 par le docteur Rose-Rosette, propriétaire du site et maire des Trois-Îlets. L’habitation, inscrite au titre de monument historique depuis 1979, est devenu musée départemental en 1984 et appartient désormais à la collectivité territoriale de Martinique.
Situé sur la commune de Trois-Ilets, le domaine de la Pagerie vit naître en 1763 une petite fille promise à un destin hors du commun : Marie-Josèphe-Rose Tascher de la Pagerie, future Joséphine, impératrice des Français et reine d’Italie de 1804 à 1814. Joséphine passa ses seize premières années au domaine de la Pagerie, épousa en premières noces Alexandre de Beauharnais en 1779, puis en secondes, en 1796, le général Napoléon Bonaparte.
La maison natale de Joséphine fut en partie détruite par un ouragan en 1766 et ne fut jamais complètement rebâtie faute de moyens. De la sucrerie qui abrita la famille de Joséphine lors de l’ouragan et où elle vécut après celui-ci, il reste de nombreux vestiges en élévation, mais à restaurer. Le Dr Rose-Rosette a transformé ce site en musée dédié à Joséphine, succédant au premier musée créé en 1929 par Gabriel Hayot.
Le moulin où l’on extrayait le jus des cannes de la plantation met en valeur la diversité des activités économiques de l’habitation ainsi que les hommes et les femmes qui les ont produites ; l’ancienne cuisine comprend une exposition dédiée aux esclaves de l’habitation au début du XIXe siècle, et met en valeur quelques parcours de vie retrouvés.
Un hall d’exposition accueille deux espaces consacrés respectivement au docteur Rose-Rosette et à la famille de Joséphine. À la Martinique, Joséphine est un personnage paradoxal : source d’orgueil pour avoir été épouse de Napoléon Bonaparte et impératrice des Français, mais aussi de détestation pour son rôle supposé dans le rétablissement de l’esclavage. En 1794, la Convention avait aboli l’esclavage dans toutes les colonies françaises, à la suite de la révolte des esclaves de Saint-Domingue. En 1802, Bonaparte abrogea cette abolition, ce qui entraîna des révoltes et de sanglantes répressions à la Guadeloupe et dans la partie française de Saint-Domingue, qui devint Haïti en 1804.
Alors même que l’esclavage n’avait pas été abrogé en Martinique, colonie anglaise entre 1794 et 1802, de nombreux Martiniquais restent persuadés que Joséphine a été à l’origine du rétablissement de l’esclavage, pour favoriser sa famille, encore possessionnée dans l’île (sa mère y meurt en 1809).
Le site de la Pagerie a été plastiqué en 1986, et le buste de marbre la représentant a plusieurs fois fait l’objet de dégradations. Outre les vestiges des anciens bâtiments de la sucrerie encore visibles, le musée de la Pagerie s’empare à son tour du sujet de l’esclavage.
L’histoire de ce domaine et de ces habitants est tout particulièrement mise en valeur, depuis janvier 2021, par une scénographie complètement renouvelée, donnant à découvrir l’histoire des esclaves du domaine, une grande première pour la Martinique.